Technique Nerikomi avec Lloma

tasse de lloma céramiste - nerikomi

Bonjour chers lecteurs,

Aujourd’hui je rencontre une jeune artiste céramiste Montréalaise de grand talent : Marina Lespérance Lopez dont le travail est connu sous le nom de Lloma. Elle nous parle ce matin d’une incroyable technique japonaise qu’elle a complètement revisitée : le NERIKOMI. En plus de ses techniques d’atelier, elle donne de précieux conseils pour se lancer en céramique et évoque la réalité de sa reconversion professionnelle !

 

Présentation des techniques de l’artiste

Bonjour Marina, merci de me recevoir dans ton atelier ! Marina tu as un parcours en Arts visuels et Médiatiques, tu as ensuite étudié la céramique à l’école Bonsecours à Montréal, tout en travaillant dans le domaine de l’hôtellerie comme cuisinière.  Et en septembre 2018 tu as installé ton nouvel atelier au “Chat des artistes” à Montréal où tu développe tes collections en Nerikomi.

Peux-tu nous décrire la technique du Nerikomi en quelques mots ?

Oui, c’est un terme qui englobe beaucoup de techniques  choses, mais globalement le nerikomi, c’est faire du façonnage avec de l’argile colorée.

Je travaille par collage, je commence avec une grande plaque d’argile comme si c’était “une feuille de papier”. Puis je façonne les motifs d’argiles colorés, je les appose et les presse sur la plaque d’argile vierge avec un petit rouleau. Ils viennent donc s’encastrer dans la terre. Si on brisait la pièce, on verrait bien les différentes couches superposées

La plupart des céramistes qui utilisent cette technique là vont plutôt faire des «blocs». Ils se font avec une succession de «cannes», c’est à dire des gros colombins formés de plusieurs petits colombins d’argile colorées. Ça crée des motifs répétitifs à mesure qu’on coupe des tranches. Cette technique est aussi utilisée en bonbonnerie, en marqueterie, et en pâte polymère notamment. C’est la manière traditionnelle de faire du nerikomi qu’on retrouve chez des artistes connus comme Dean Mc Rain et Chris Campbell.

Je n’en connais pas beaucoup qui travaillent le nerikomi en collage comme moi, à part Rubi pilven, en Australie. D’ailleurs étonnament, il y a une vraie concentration de céramistes de Nerikomi actuellement en Australie et en Nouvelle Zélande. Je pense entre autre à Larissa Warren, Paige Jarman, Tantri Mustika, Ann Mossman… Ça me parait être une communauté très stimulante ! Il faudrait que j’aille faire un tour !

Tu gardes la couleur de la terre apparente ?

Oui, J’aime beaucoup exploiter les couleurs naturelles de la terre dans mes compositions. J’utilise plusieurs sortes d’argiles : de la porcelaine et des grès de toutes les couleurs que je mélange parfois pour obtenir d’autres nuances.

Les thématiques de mes collections sont très variées, mais il y a des effets de matières récurrents : des effets rocheux, de marbre, de granit, des effets de vapeurs et de vent, des confettis, des picots, des poussières, des strates, lignes et «squiggles»… Je joue avec l’argile comme de la pâte à modeler et il y a une grande part de spontanéité !

– Ah oui, tu te laisses guider par la matière en somme.

Oui par exemple les petits gravillons mouchetés c’est une chamotte que j’ai fait avec des restes d’argile de plaquettes de test que j’ai broyé, tamisé, et cuit, et ensuite mélangé à de l’argile en pâte.

grès porcelaineux naturellement beige
«Miami beach party in outerspace» automne 2017 : grès porcelaineux naturellement beige, copyright Lloma

Comment fait-on un dégradé effet soleil couchant ?

Pour un dégradé on prend deux blocs de couleurs divisés en diagonal, on plie toujours dans le même sens le morceau sur lui-même, comme une pâte feuilletée. Après une cinquantaine de pliages, les deux couleurs vont s’être parfaitement mélangées. On pourrait aussi arrêter le pliage avant pour obtenir d’autres effets de dégradé plus saccadés.

Assiette en nerikomi dégradé soleil couchant, copyright Lloma
Assiette en nerikomi dégradé soleil couchant, copyright Lloma

Comment prépares-tu tes couleurs ?

Généralement je mélange les pigments en poudre à de la porcelaine liquide que je laisse reposer sur une plaque de plâtre pour absorber le surplus d’eau, et que je pétrie ensuite. Je fais ensuite des nuanciers avec la technique des mélanges triaxiaux. (voir l’image ci-dessous : à gauche différents mélanges, à droite un exemple de test triaxial). Faire des mélanges de couleurs me permet plus de latitude créative que d’utiliser seulement les couleurs qui se retrouvent sur le marché.

Terres colorées et test triaxial
Terres colorées et test triaxial

– Oh je vois, tout ça révèle une manière très artistique, très exploratoire et en même temps très structurée de travailler ! 🙂

 

collection Lloma nerikomi
collection Lloma nerikomi

Comment débuter en céramique

 

Aurais-tu un conseil à donner à ceux qui voudraient se lancer dans la céramique ?

Si la créativité et le sens artistique est déjà là, je crois que ce serait une bonne idée de prendre un cours professionnel, et, à la limite, de ne pas le terminer si ça ne convient pas. J’en connais qui ont fait ça et qui ont beaucoup de succès, je pense à Marie-Ève Dompierre ici au Québec notamment. 

Cela permet d’acquérir des outils techniques qui vont éviter les pertes de temps inutiles à faire des essais-erreurs. Une fois qu’on a la base, je crois qu’il faut continuer l’exploration pour se dépasser.

Le language visuel aussi est très important. Qu’on aille vers le classique ou l’expérimental comme moi, l’important c’est d’avoir sa touche personnelle, un petit quelque chose qui nous démarque.

Enfin, aller chercher de l’aide financière. Appliquer à des bourses peut sembler intimidant, mais c’est plus facile qu’on pense. J’ai appliqué à la SODEC, avec seulement un an de pratique à temps plein et j’ai reçu de l’argent pour faire un kiosque de salon

 

Que conseillerais-tu aux débutants qui veulent vivre de la céramique ?

Se payer un atelier avec un espace à soi, ça fait toute la différence ! Je me suis installée récemment dans un atelier partagé avec 3 autres céramistes. Avant ça je m’étais trouvé un petit coin pour faire ma production pour les salons dans un atelier collectif. Mais depuis que j’ai mon espace fixe, ma pratique a énormément évolué. J’ai l’impression que tout a débloqué à partir de ce moment là. 

 

Peux-tu nous en dire davantage sur ce qui t’as poussé à devenir céramiste ?

Je gagnais ma vie comme cuisinière avant, c’était un travail vraiment bien rémunéré. J’étais très intimidée de me lancer en art et d’abandonner cette sécurité financière. Je travaillais à temps partiel, donc je faisais mes projets artistiques à côté, mais je ne pouvais pas me donner à 100%. C’est une malchance de la vie qui a fait que j’ai dû quitter mon travail en hôtellerie : j’ai commencé à avoir des problèmes de santé. Je fais de l’arthrose précoce à la cheville gauche. Je suis restée 4 ans là-bas avec des douleurs chroniques avant d’avoir un diagnostique et d’être finalement opérée. Mais je ne pouvais plus faire un métier continuellement debout.

J’ai pas eu le choix dû d’arrêter, et de me lancer dans le travail autonome. Mais malgré tout, je crois que c’est la meilleure chose qui m’est arrivée dans la vie, je fais maintenant ce que j’aime à temps plein. Si je rencontrais quelqu’un dans une situation semblable (sans les problèmes de santé) je lui dirais de se lancer. Lâches ta job! Il faut avoir ce courage !

 

As-tu senti un lien direct avec tes ventes depuis que tu as lâché ta job d’origine ?

Oui totalement.

 

Marina dans son atelier pratique le nerikomi
Marina dans son atelier pratique le nerikomi

Le quotidien, entre vie d’atelier et promotion de sa marque

 

Comment tu te motives à garder le rythme?

Je suis très routinière. J’ai mes jours d’atelierJe ne ressens pas le besoin de me motiver, c’est devenu seconde nature. Mes actions se ressemblent beaucoup de semaine en semaine, comme si j’avais un horaire de salariée.

Mais malgré tout j’ai un fort sentiment de liberté, je me réveille toujours sans cadran, je prends du temps le matin pour relaxer avec ma chienne. J’écoute mon rythme, je vais travailler à l’atelier quand je me sens prête et je pars quand je suis fatiguée.

 

As-tu aussi une routine de travail pour ta promotion?

J’essaie de prévoir mes post Instagram d’avance, mais je ne le fais pas toujours, c’est souvent spontané ! J’essaie de « poster »  aux 2 jours. Dans mes publications sur Instagram, j’essaie d’avoir des contenus inspirants ou éducatifs, je partage mes états d’esprit et mes  coups de coeurs.

C’est rare que je vais mettre juste des photos, j’apporte de l’importance au contenu écritC’est Instagram est mon moyen de communication principal

– Y a beaucoup de réseaux sociaux en effet, c’est bien de se focaliser sur certains plus que d’autres, et j’aurais conseillé Instagram en effet spécialement pour les céramistes. 

Oui c’est un bon média pour les artistes.  Aussi c’est dû à la manière dont les gens partagent, il arrive qu’il y ait un bond dans les abonnés, c’est exponentiel. 

Pour la suite, comme c’est assez local, j’aimerais ça élargir mon public. Alors maintenant je publie en anglais aussi. 

 

As-tu des événements dans les prochains mois à mentionner à nos lecteurs ?

J’ai l’intention de faire le Salon des métiers d’arts. J’avais envie d’investir dans le kiosque pour qu’il y ait tout une ambiance quand on arrive, qu’on entre dans mon univers. J’ai envie de créer un espace chaleureux, que ça ne fasse pas comme une boutique, mais plutôt comme quand on rentre dans la maison de quelqu’un, mais avec une touche «extra» et festive, fidèle à mon esthétique.

– Olala on a hâte de voir ça Marina ! 

Merci d’avoir pris le temps de nous faire découvrir ton univers, tes techniques d’atelier et de nous avoir partagé l’histoire de vie qui t’as amené jusqu’à ce beau métier de céramiste ! Je pense qu’elle va en inspirer plus d’un. On te souhaite tout le succès que tu mérites pour la suite !  


Retrouvez les créations de Marina sur son site web, sa page Facebook, son Etsy ou encore son compte Instagram.

Vous pouvez aussi me laisser vos questions et commentaires sur cette entrevue, j’y répondrai avec grand plaisir !

 


4 Replies to “Technique Nerikomi avec Lloma”

boulos

Bonjour
je viens de lire cet article et merci à Marina, vraiment vraiment
j’ai cinquante ans et je suis passée à mi temps pour mes créations que je commence à cumuler je travaille avec de l’argile chamotté et suis intéressée par le glaçage , le kingsugi et Marina me rassure et me conforme dansma démarche car moi aussi j’ai perdu beaucoup de temps (10ans) dans un métier qui me contraignait et dans une opération du dos. alors merci merci MERCI MERCI

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Bomans

Grâce à votre article j’ai fait de superbes découvertes ! Du coup j’essaie le nerikomi mais….ce n’est pas du tout évident, donc je découvre, j’essaie 😁

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Très bel article une artiste tout en délicatesse comme ces créations agréable à lire merci pour cette découverte

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Bomans

Très belle entrevue, très enrichissante qui m’ouvre de nouvelles possibilités dans le nerikomi.
Merci 🙏

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