Josie Daisy, une céramiste québécoise intrépide

C’est par le bouche-à-oreille que j’ai découvert le travail de la céramiste québécoise Josie Daisy. Un ami que nous avions en commun m’a montré ses pièces sur Instagram et je suis tombée raide d’admiration. Dans une ambiance actuelle et décontractée elle y présente des pots à plantes aux formes ultra maîtrisées.

J’avais rencontré son travail, mais pas encore Josie.  Je ne connaissais ni son parcours intrépide, ni la persévérance qui la caractérise et qui l’a menée où elle est aujourd’hui. Et l’un comme l’autre, ça vaut vraiment le détour. Suivez-moi !

 

Qu’est-ce qui t’a amenée à travailler l’argile ?

J’ai un intérêt pour les arts depuis ma jeunesse. Il était donc évident que je poursuivrai mes études en arts visuels, mais il m’était impossible de choisir une seule discipline. J’ai donc choisi un programme en arts interdisciplinaires à NSCAD University en Nouvelle-Écosse.

Puis j’ai réalisé que la céramique était la discipline qui mélangeait toutes les autres. On doit penser l’œuvre en 2D et en 3D, c’est-à-dire sa forme et sa surface. Les techniques pour le faire empruntent à la sculpture, au dessin, à la peinture et à l’impression entre autres. On ajoute à ce buffet le vaste monde de la chimie des matériaux qui composent la glaçure et la terre. Les options et combinaisons sont infinies et complexes. On fait face à un océan de possibilités, ce qui est tout autant excitant qu’effrayant. 

 

Quel est ton parcours de céramiste ?

« Petit retour en arrière à cette expérience magique de cuisson d’un four à bois sur une montagne au Japon. » crédit photo : Josie Daisy

J’ai commencé mon chemin de céramiste avec de grandes sculptures installées aux murs. J’explorais les techniques de moulage, de façonnage et mélangeais à cela le dessin et la peinture. Suite à mes études coûteuses hors province, j’ai travaillé dans le domaine de la restauration, dans un centre d’art et dans une maison d’édition.

Je retrouvais ma pratique artistique lors de résidences artistiques en Alberta, au Danemark, au Japon, et en Hongrie. C’est à ma dernière résidence qu’un collègue m’a incité à essayer le tour de potier et ce fut le coup de foudre. Tous les plans que j’avais pour cette résidence ont été bousculés. J’étais fascinée par cette possibilité de créer des objets éternels qui font partie du quotidien et de l’intimité des gens. 

Comment as-tu commencé à vendre tes poteries ?

J’ai poursuivi ma quête en me trouvant un studio à Montréal. YouTube dans les yeux, l’argile entre les mains, je pratiquais lorsque j’avais un moment entre mes trois emplois. 

Malgré mon niveau de débutante en tournage (15 minutes pour tourner une tasse), j’ai réussi à convaincre le propriétaire du restaurant où je travaillais de lui fabriquer des pots à plantes. Quelques sueurs froides plus tard, le projet terminé, je me suis faite approcher par Alma Plantes, une boutique nouvellement emménagée en face du restaurant. Elles voulaient tenir mon travail en boutique. Je n’en reviens toujours pas de ce parfait hasard qui a engendré la naissance de JOSIE DAISY

J’étais encore débutante et tout découlait très vite. J’ai développé une collection de douze modèles, offerts en petit et en moyen format, en noir et en terra cotta, donnant ainsi 48 variations. Chaque pot avait également son assiette. D’autres boutiques ont démontré de l’intérêt, puis j’ai ouvert une boutique Etsy. 

 

Le moulage des pots à plantes, était-ce un choix ?

Je crois que tu as dû changer complètement de technique en cours de production. Veux-tu nous en dire un mot ?

Un potier pour être efficace, va tourner un seul modèle plusieurs fois, 10, 20, 30 fois avant de passer à un autre objet. Aussi, la plupart du temps, il utilise une seule argile et crée des variations grâce aux glaçures, ce qui n’était pas mon cas. 

Je n’avais pas l’espace pour produire à la chaîne et stocker autant de grosses pièces. Je tournais donc les modèles sur commande.  Je tournais donc les modèles sur commande et je produisais le double de la commande pour vendre les meilleures versions, parce que rappelons nous, j’étais encore débutante.

Je me suis rapidement rendue compte que mon système ne fonctionnait pas. Ce n’était pas rentable. De plus, mon corps n’a pas pu suivre la cadence et j’ai fini l’année avec des tendinites aux poignets. 

Pourtant la demande était là. Je voulais conserver la joie que me procurait le tournage tout en protégeant mes poignets. J’ai donc pensé au moulage. 

Je n’aimais pas trop l’idée, car je considérais le moulage comme un raccourci. Oh que j’avais tort ! J’ai vite réalisé la quantité de travail qui se cache derrière une pièce moulée ! On ne choisit pas le moulage par facilité, au contraire, on le choisit parce que c’est la technique qui répond le mieux à nos besoins. 

Le moulage me permet de tenir un inventaire diversifié dans mon petit espace et les mouvements de mes mains sont plus variés avec cette technique. De plus, le moulage ouvre de nouvelles possibilités de traitement de surface. C’est un tout autre terrain de jeu.

Adapter ma collection au moulage m’a pris 6 mois de travail, et les moules sont à refaire chaque année. Au final, une pièce moulée me prend la même quantité de temps qu’une pièce tournée, mais comme un.e potier.e expérimenté.e, j’arriverai à être plus efficace et plus rentable avec le temps. 

 

Peux-tu nous parler de ton univers artistique ?

Pot à plantes Josie Daisy
crédit photo : Josie Daisy

C’est depuis 2020 que mon univers artistique a basculé du conceptuel au fonctionnel. Je me considère donc encore dans la phase de “découverte”. J’ai tellement d’idées qui ne sont pas encore réalisées qu’il est trop tôt pour décrire parfaitement mon univers. 

Je cherche à créer la meilleure version possible d’un objet pour assurer sa pertinence chez le consommateur. Je désire que mon travail soit durable, fonctionnel… mais surtout magnifique. Pour l’instant, mon esthétique est minimaliste, sculpturale et épurée, pour atteindre une certaine intemporalité. J’aimerais également faire honneur au côté plus ludique de ma personnalité. C’est à suivre !

 

Comment annonces-tu le prix de vente de tes créations ?

J’ai visité les portes ouvertes d’ateliers d’artistes de ton building, et tu es la seule qui présentait le détail de ses prix de vente avec une totale transparence. Veux-tu nous expliquer ce choix ? 

J’ai vu Marigold afficher des étiquettes de prix en toute transparence et j’ai trouvé l’idée fantastique. En plus d’informer le public sur le travail fourni et le coût derrière chaque objet, c’est un rappel pour moi-même d’arrêter de me sentir mal de charger ces montants, car la valeur de mon travail et les frais qui y sont rattachés sont justes et réfléchis.

Aussi c’est malheureux, mais on voit beaucoup d’artistes mal évaluer leurs coûts et afficher des prix trop bas. Ça nuit au domaine puisque ceux qui vivent de leur artisanat doivent rester compétitifs. En tant qu’artisan, on doit constamment éduquer le public au domaine méconnu des métiers d’arts. C’est bien normal et ça fait partie du travail. 🙂

👉🏽 Retrouvez l’article « vendre ses créations au bon prix » pour aller plus loin.

 

Quel autre avantage a le calcul des coûts de production ?

Je calcule mes prix en fonction du nombre de pièces que je suis capable de créer par année. Si 900 pièces suffisent pour couvrir tous mes coûts (fixes et variables), et que je suis capable d’en produire 1000 par mois, alors la vente des 100 pièces restantes représente un profit pour l’entreprise. Toutefois, il est important de considérer la vente en boutique dans les calculs. Les boutiques prennent un pourcentage sur les ventes des pièces, car elles aussi ont des coûts à couvrir (employés, loyer, marketing, etc.). Donc, l’artiste qui connaît ses coûts et sa capacité de production saura combien de pièces peuvent être vendues en boutique et combien doivent être vendues aux particuliers. 

 

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à quelqu’un qui débute la céramique ?

Prendre son temps

  • Prendre le temps d’acquérir les techniques adéquates. Le corps est beaucoup sollicité et connaître les bonnes techniques prévient les risques de blessure. On doit laisser tomber l’ego, avec l’idée de vouloir aller vite et de produire de grandes pièces en débutant. Plutôt moche comme conseil, mais extrêmement précieux.
  • Prendre le temps d’apprendre à se connaître au travers de la matière : quelle technique, quelle argile, quel type de surface, quelle cuisson et quels objets-projets résonnent avec nous. Rester centré sur ce qui nous plaît est un bon guide pour ne pas se perdre parmi les options et les combinaisons sans fin du monde de la céramique.
  • Prendre le temps d’explorer. Stagner, rester dans ce qui fonctionne sur le marché n’apporte rien de plus, ni à vous, ni au domaine.

Aussi, la céramique est un monde très vaste et impossible à saisir en une seule vie. Je conseille donc de développer chaque produit à son plein potentiel au lieu de s’éparpiller dans plusieurs projets ou trop de pièces. Il est primordial de s’allouer du temps d’exploration, mais en gardant en tête qu’un projet réfléchi est mieux que 15 projets non aboutis.

Faire preuve de patience

La céramique est l’une des disciplines où l’on vit le plus d’échecs. C’est normal, ça fait partie du processus. L’argile est un médium vivant que l’on met sous haute température pour que celui-ci devienne de la céramique. La moindre faille dans la technique sera révélée sous ce stress. À cela s’ajoute la chimie de la glaçure. Elle doit s’agencer à la perfection au mouvement de l’argile (l’argile bouge durant la cuisson) pour que l’objet soit fonctionnel. Il y a donc beaucoup de variables qui entrent en jeu, donc de grands risques d’échec, mais de succès également. On doit simplement être patient avec soi-même et avec la matière.

 

Où peut-on trouver tes pots à plantes actuellement ?

Toutes les informations se trouvent sur mon Instagram et j’y partage beaucoup de mon processus en « story ». Mon inventaire complet se trouve sur mon site internet josiedaisy.com ainsi que la liste des boutiques distributrices. 

 

Quelles sont tes futures envies en céramique ?

Par où commencer? Ma tête déborde d’idées à expérimenter. J’ai si hâte de pousser les limites du moulage et de proposer des collections en exclusivité. Je veux amener un aspect sculptural dans ma pratique, ramener le dessin et la peinture dans mes créations. Présentement, mon travail est très précis et soigné, mais j’ai hâte de complémenter mes œuvres minimalistes avec des œuvres éclatantes. 

Aussi je travaille présentement sur la conception de tasses et de vases.

À suivre ! 

Avez-vous eu aussi à adapter votre technique, et si oui pourquoi ? partagez-nous vos expériences en commentaires ci-dessous !! 👇


9 Replies to “Josie Daisy, une céramiste québécoise intrépide”

GEORGES CHABOURLIN

bonjour, je ne retrouve pas l’article très intéressant sur les conseils pour éviter les fissures sur les poteries.
pouvez me le transmettre à nouveau svp. merci.
georges84140@orange.fr
bonne soirée.
Georges Chabourlin

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Bonjour Georges, Je vous écris un message.

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Nadine

Merci pour ce partage !

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sacksteder

Merci pour ce lien.

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alain

Merci pour cette nouvelle découverte. Bon dimanche. alain

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Anne-Valerie

Merci pour le partage. Le moulage m’est inconnu mais j’avoue qu’il est tentant d’en savoir un peu plus sur cette technique à la lecture de cet article

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Lefebvre

Toujours très intéressant de lire vos découvertes et d’apprendre comment affiner son travail quel qu’en soit le niveau ! Bravo et merci!

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Fanny

Une rencontre intéressante et inspirante ! Bravo et merci pour cet article !

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