Façonner un simple bloc d’argile solide, et y creuser « un espace intérieur ». Voilà un geste millénaire qu’on appelle en japonais Kurinuki. De ce geste est né un art décoratif riche et subtil, des bols, des bouteilles, des vases…. Il suffit de s’essayer au Kurinuki pour découvrir des milliers de paysages révélés par la terre. Dans cet article je vous propose d’apprivoiser le Kurinuki, pour mieux l’apprécier par la suite !
Définition du Kurinuki
Le processus du Kurinuki est davantage assimilé à la sculpture, car il s’agit de creuser une forme à partir d’un bloc d’argile solide, plutôt que de former une pièce au tour de potier, ou à partir de colombins ou encore de plaques d’argile.
Dans cette pratique, il se crée un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur de la pièce qui est fondamental. Mais cela ne doit pas entacher la spontanéité du geste ou encore la beauté des glaçures. Un tour de force qui inspire des vies entières de potiers du Japon et d’ailleurs.
Les objets Kurinuki
Pour créer des objets avec la technique du kurinuki, vous avez l’embarras du choix. Vous pouvez créer n’importe quelle poterie : une modeste coupelle, une bouteille de saké, des boîtes, des bols…Certaines pièces présentent des facettes très bien définies, d’autres ont des courbes plus rondes et douces. Il n’y a donc pas un seul style, mais une multiplicité d’approches et plusieurs courants esthétiques.
Sans être une spécialiste, ce qui me semble revenir le plus souvent dans l’univers du Kurinuki sont les tasses Yunomi et les bols Matchas (ou encore matchawan). Mais les vases sont aussi bien représentés. Les maîtres artisans qui l’ont pratiqué ont souvent cherché à annuler la barrière entre les arts de la table et les arts décoratifs. C’est l’esprit qui se dégage de l’objet qui compte avant tout.
On utilise traditionnellement la cuisson au bois qui met particulièrement en valeur les caractéristiques d’une poterie Kurinuki.
Découvrir le Kurinuki avec les livres
Voici un livre que je vous recommande pour ajouter dernière minute sous le sapin : the teabowl East and West.
Découvrir la vaisselle Iga, Hagi et le potier Kaneta Masanao
La vaisselle Iga
La vaisselle Iga (appelée iga yaki en japonais) est encore produite aujourd’hui autour de la ville d’Iga, au Japon. Sa terre rougie est simple et forte, et sa glaçure vitreuse et verdâtre est obtenue par cuisson à haute température. Ce sont les cendres qui tombent sur la céramique et y adhèrent qui produisent cette qualité vitreuse. Le placement des cendres et des céramiques dans le four est soigneusement étudié par l’artisan.
La vaisselle Hagi
La vaisselle Hagi (萩焼, Hagi-yaki) est un type de poterie japonaise produit dans la ville de Hagi, Yamaguchi au Japon. Ses origines remontent toutefois à la dynastie coréenne Joseon (1392-1897).
La vaisselle Hagi est rarement décorée, on apprécie sa forme subtile et ses couleurs naturelles. Cette simplicité crée une texture unique, produite par de profondes fissures dans l’argile qui se dilatent et contractent l’émail. Il en résulte des variations et des changements de couleur sur la surface de la poterie appelés « les sept déguisements » (nanabake). La vaisselle Hagi change également de couleur lors de sa cuisson, ce qui lui apporte une touche finale imprévisible. La vaisselle Hagi est souvent utilisée pour les bols à thé, et le contraste entre la couleur vert vif du thé matcha et les tons chauds et neutres de la vaisselle Hagi est remarquable.
Le potier Kaneta Masanao
En 1983, Kaneta Masanao, insatisfait de la pratique au tour de potier traditionnel, s’est lancé dans la création des Hagi avec la technique Kurinuki.
Découvrir le Kurinuki par la pratique
crédit photo : Émilie Coquil
Pour ma part, j’ai commencé à explorer le Kurinuki cette année, et j’en présente d’ailleurs prochainement sur mon site web d’artiste.
Vous pouvez à votre tour, essayer le Kurinuki sans aucune expérience particulière : partez d’un gros bloc d’argile, découpez des facettes au fil de métal, et creusez-en l’intérieur. Ensuite vous pourrez jouer avec les surfaces de votre objet à l’infini, ici, c’est la beauté de l’imperfection qui prime !
Toutefois si vous voulez aller plus loin vous trouverez un module Kurinuki dans « les fondamentaux du façonnage » la formation sur laquelle je travaille, lentement, mais sûrement ! Vous y verrez notamment les outils et les techniques de sculpture que j’utilise.
Inscrivez-vous à la liste d’attente ici (en un clic) et vous serez averti de l’ouverture des inscriptions en primeur.
Découvrir le Kurinuki à travers le monde
Le céramiste Lucien Koonce aux Etats-Unis
J’ai particulièrement apprécié les vases de Lucien Koonce, un grand spécialiste du Kurinuki. Ses vases sont absolument extrêmes, étagés, à la géométrie à la fois complexe et maîtrisée. Un talent reconnu et sans concession.
Bud Vase. 2016 – 5.50″ H x 3.25″ W x 3.00″ D
Argile de grès formée à la main et glaçure de cendre naturelle ; cuisson au feu de bois (anagama). (Collection privée : États-Unis)
La plasticienne Anne-Lise Roussy en France
Je suis tombée en amour avec les œuvres d’Anne-Lise Roussy en furetant sur le site des Ateliers d’art de France. Ses créations n’ont selon moi rien à envier aux pièces des maîtres japonais.
Elle s’intéresse « particulièrement aux roches et à certains organismes qui vivent en commensalisme ou en symbiose comme les lichens et les mousses. Ils me passionnent tout autant pour leurs spécificités scientifiques, esthétiques qu’artistiques. » écrit-elle.
Site web d’Anne-Lise Roussy
Le potier Yoshitaka Hasu au Japon
Yoshitaka Hasu est un potier japonais qui réalise des œuvres aussi bien fonctionnelles que sculpturales à la fois puissantes et directes. Ses objets évoquent pour moi la force de la nature brute et élémentaire.
Le travail de M. Hasu suit la philosophie d’un art total qui refuse la distinction entre l’utilité et l’art. Ses décors sont dramatiques et combinent une glaçure à base de cendre naturelle avec une glaçure d’oxyde de fer noir, témoignant d’une connaissance intime des matériaux.
Voir les créations récentes de Yoshitaka Hasu
En conclusion, j’espère que cette balade dans l’univers fascinant du Kurinuki vous aura interpellé autant que ce fut mon cas.
N’hésitez pas à me partager vos impressions ci-dessous ! 👇
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sources : https://kogeijapan.com/locale/en_US/hagiyaki/
source : https://bulldogpottery.blogspot.com/2015/02/kurinuki-hasu-yoshitaka-sphere-inside.html
entête : création Émilie Coquil (tout droits réservés)
5 Replies to “Découvrir l’art japonais du Kurinuki”
Je viens de découvrir votre blog je suis sous le charme
🙂
Je decouvre…c’est somptueux
Braiment Superbe cette technique et les realisations d1 vraie et authentique beauté. En regardant ces oeuvres je vois des roches et non plus de la terre cuite…elles me projettent avec force dans la nature…merci pour ce magnifique partage
Magnifique